
Le débat houleux autour de la propriété intellectuelle des œuvres conçues par intelligence artificielle vient de connaître un tournant historique au Japon. Pour la toute première fois, la police de la préfecture de Chiba a décidé de déférer un homme de 27 ans devant le parquet, le soupçonnant d’avoir enfreint la Loi sur le Droit d’Auteur. Son délit ? Avoir utilisé une image générée par intelligence artificielle sans l’autorisation de son « créateur » initial, afin d’illustrer la couverture d’un livre commercial. Cette affaire est un véritable coup de tonnerre et pourrait redéfinir le paysage du droit d’auteur IA au Japon et au-delà.

20 000 Prompts : La Créativité Humaine au Cœur de l’IA
Selon les informations rapportées par le quotidien Yomiuri Shimbun, l’image au cœur de cette controverse a été générée en août 2024 à l’aide du modèle d’IA Stable Diffusion. Ce qui rend ce cas particulièrement notable, c’est l’argumentation avancée par le créateur originel de l’image. Ce dernier a affirmé aux autorités avoir utilisé plus de 20 000 « prompts » (instructions textuelles), incluant des révisions détaillées et des ajustements spécifiques, pour parvenir au résultat final. En se basant sur cette déclaration et en s’alignant sur les directives de l’Agence des Affaires Culturelles, les forces de l’ordre ont estimé qu’il y avait une intention créative humaine suffisante pour accorder à l’œuvre une protection juridique en vertu de la loi sur le droit d’auteur au Japon.
Quand le Prompt Devient Œuvre : L’Opinion des Experts
L’avocat Kensaku Fukui, spécialiste reconnu en droit d’auteur, a apporté un éclairage précieux sur cette décision. Il explique que la clé réside dans la spécificité des instructions. Bien que la fourniture de directives vagues à une IA tende à produire des résultats aléatoires – et donc difficilement protégeables – l’emploi d’instructions extrêmement détaillées, permettant à l’humain d’« anticiper spécifiquement le résultat », change radicalement la donne. Ce jugement pourrait établir un précédent considérable : si l’effort et la précision investis dans le prompt sont suffisants, l’œuvre qui en découle pourrait être légalement reconnue comme la propriété de l’utilisateur. C’est une question qui passionne et divise la communauté artistique et technologique.
Cette affaire soulève une interrogation fondamentale : un prompt très élaboré est-il suffisant pour conférer le statut d’« artiste » et les droits d’auteur qui y sont associés ? Le droit d’auteur IA au Japon est en pleine évolution, et ce cas marque sans aucun doute un jalon important.