Pendant des décennies, prononcer le mot « anime » à l’étranger évoquait inévitablement le nom du légendaire Studio Ghibli. Cependant, les temps ont radicalement changé. Selon une analyse percutante de l’écrivaine Mayumi Tanimoto, le flambeau a été officiellement passé à Kimetsu no Yaiba (connu en Occident sous le nom de Demon Slayer). Ce basculement ne s’explique pas uniquement par la qualité de l’animation, mais par une raison bien plus profonde et parfois douloureuse : la jeunesse actuelle se reconnaît dans la misère et la lutte incessante de Tanjiro Kamado, une réalité que Hollywood semble avoir oubliée comment dépeindre.
Le Héros Quotidien Face aux Titans du Luxe
Mayumi Tanimoto soutient que les productions récentes de géants comme Marvel et Disney ont perdu leur connexion avec le public jeune. Les super-héros occidentaux modernes sont souvent dépeints comme des milliardaires, des êtres cosmiques aux pouvoirs démesurés, ou des fonctionnaires gouvernementaux luttant pour une « justice abstraite ». Rares sont ceux qui se battent pour leur survie la plus élémentaire. De plus, une inclusion parfois perçue comme forcée du « politiquement correct » dans ces récits peut souvent sembler artificielle et déconnectée.
En contraste frappant, Kimetsu no Yaiba nous présente Tanjiro Kamado, un adolescent de 15 ans issu d’un milieu pauvre. Il travaille sans relâche pour subvenir aux besoins de sa famille, avant de tout perdre à cause d’une force injuste et implacable. Cette narration résonne profondément auprès d’une génération mondiale – de l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, en passant par l’Europe et l’Asie – confrontée à l’inflation galopante, au chômage endémique, aux dettes étudiantes écrasantes et à des systèmes perçus comme corrompus. Les jeunes voient en Tanjiro le reflet de leur propre combat quotidien : un effort maximal dans un système qui semble conçu pour les écraser.
L’Empathie au Cœur de l’Obscurité
Un autre élément crucial de l’attrait de Demon Slayer réside dans l’humanisation de ses antagonistes. Contrairement aux « méchants unidimensionnels » souvent présents dans les productions hollywoodiennes, les démons de Kimetsu no Yaiba étaient fréquemment des humains ayant subi des abus, la pauvreté ou la discrimination avant de sombrer dans l’obscurité. Cette approche crée une empathie immédiate avec un public qui comprend que le « mal » naît souvent du désespoir social et des injustices profondes.
Le succès phénoménal au box-office du film Mugen Train et l’anticipation grandissante autour de Infinity Castle (qui surpasse déjà en termes de notation des classiques comme Your Name sur des plateformes telles qu’IMDb) démontrent une vérité indéniable : le monde ne cherche plus des héros parfaits, isolés dans des tours d’ivoire. Il aspire à des combattants qui saignent, qui pleurent, et qui protègent les leurs avec une détermination farouche dans un monde cruel et complexe. La résonance de Kimetsu no Yaiba avec la jeunesse mondiale est un témoignage de ce désir ardent d’authenticité et de résilience face à l’adversité.
Vous reconnaissez-vous davantage dans les batailles de Tanjiro que dans les péripéties des Avengers ?
